LA FIGUE, WU HUA GUO.
La figue est le fruit du figuier, ficus carica, de la famille des moracées.
Son nom chinois est Wu Hua Guo, 无花果, qui signifie « fruit sans fleurs ». Elle est appelée aussi Mi Guo, « miel de fruit » et Nai Jiang Gui, « fruit de lait ».
C’est un arbuste ou petit arbre qui peut atteindre 10 mètres. Ses fleurs mâles et femelles sont à l’intérieur de telle manière qu’elles ne sont pas visibles, d’où le nom de « fruit sans fleur ».
Il s’agit de ce que l’on appelle un « faux fruit » en ce sens donc que les véritables productions fructifères sont constituées par des milliers de petites graines qui se trouvent à l’intérieur d’un réceptacle appelé syconium : les véritables fruits sont les innombrables petites graines qui parsèment la chair de la figue, les akènes.
Avant la formation de la figue proprement dite, on a un capitule creux contenant des centaines de petites fleurs serrées les unes contre les autres, ouvert en son sommet par un petit orifice qui porte les fleurs mâles à son entrée et les fleurs femelles au fond. Après fécondation interne, par de très petits insectes vont apparaître les multiples graines de la figue qui sont donc en fait, les fruits résultants de la fécondation.
Selon la fameuse « théorie des signatures », les fruits se retrouvent très souvent deux à deux sur l’arbre et ont plus ou moins la forme des parties génitales masculines.
Quand on coupe une figue en deux, elles sont pleines de graines qui rappellent les spermatozoïdes. Or, dans la tradition médicale, ce fruit augmente la mobilité des spermatozoïdes, favorise leur nombre et combat la stérilité masculine. D’autre part le latex blanc du pédoncule de la figue symbolise à la fois le lait féminin et le sperme masculin !
Le figuier pousse dans les régions chaudes ou tempérées, « là où pousse la vigne, les oliviers et les agrumes ».
La saison de la figue commence en juin pour se terminer en septembre.
Originaire de Syrie, le figuier s’est très vite répandu en Chine et en Inde, pour ensuite se retrouver dans tout le bassin méditerranéen.
Pline raconte qu’à son époque, on pouvait remarquer sur une place où le peuple romain avait l’habitude de se rassembler, un figuier à l’ombre duquel Romulus et Remus avaient l’habitude de retrouver la louve légendaire qui les allaitait.
Dans la tradition chrétienne, le fruit défendu de l’arbre de la connaissance est la pomme. Dans la tradition juive, c’est la figue.
Au début du moyen-âge c’est la feuille de figuier et non celle de la vigne qui servait de cache-sexe pour les sculptures dénudées.
Wu Hua Guo fait partie intégrante de la pharmacopée chinoise comme nous allons le voir. À l’instar de Platon qui disait que c’était la nourriture par excellence des athlètes, nous allons voir que c’est un des grands alicaments capables de maintenir le logiciel Rate en bon équilibre, gage de longévité.
Attention de ne pas placer votre pouce entre l’index et le majeur replié en désignant quelqu’un. C’est le « geste de la figue » qui est très offensant.
Une citation de Lamartine pour adoucir ce monde de brute : « C’était vous dont le cœur parlait encore au mien ! Quand, jeune et déjà mère, autour de mon foyer j’assemblais tous les biens que le ciel nous prodigue, qu’à ma porte un figuier laissait tomber sa figue aux mains de mes garçons qui le faisaient ployer, une voix s’élevait de mon sein tendre et vague. Ce n’était pas le chant du coq ou de l’oiseau, ni des souffles d’enfants dormant dans leur berceau… » (Des destinées de la poésie).
Que dit la médecine chinoise ?
La figue est de nature Neutre et de saveur Douce.
La nature Neutre est pour ainsi la « voie du juste milieu », ni trop Yang, ni trop Yin et la saveur Douce tonifie et harmonise.
Les organes méridiens où vont se diriger principalement ses effets sont ceux :
- Des Poumons,
- du Gros intestin,
- de la Rate-pancréas et
- de l’Estomac.
Ces actions principales sont :
- de renforcer l’estomac,
- de rafraîchir et de purifier les intestins,
- de réduire les tuméfactions et d’éliminer les toxines,
- de favoriser la lactation et
- de supprimer les œdèmes.
*La figue prise en décoction permet donc de réduire les tuméfactions et lutter contre les toxines. On l’utilisera en cas de gorge douloureuse, d’abcès, de gale, de mycoses, de furoncles. On dirait en Occident qu’elle a de grandes propriétés antivirales.
*Un remède de « buena fama » : « couper une figue presque mûre sur l’arbre. Récolter un peu de laitance et la déposer sur une verrue ». Les résultats sont souvent spectaculaires.
*En présence de plaies purulentes ou de furoncles, on prendra une figue sèche que l’on va faire cuire à la poêle jusqu’à ce qu’elle devienne du charbon. On va la moudre en poudre et on l’appliquera à l’endroit affecté, dans un bandage.
*La figue peut être réduite en poudre une fois séchée. On souffle alors cette poudre au fond de la gorge. C’est un excellent anti-inflammatoire de la gorge et des amygdales.
*Le manque de lait est souvent à mettre en relation avec une perte de sang et d’énergie importante au moment de l’accouchement. La figue favorise la production de lait maternel. Pour se faire, en Chine, on a l’habitude de la cuire avec un pied de porc qui est un grand tonique du sang et de l’énergie. Pour avoir une action encore plus importante, on peut y rajouter deux dattes rouges.
*Une faiblesse de Yin peut entraîner ce que l’on appelle une sécheresse du Poumon, à l’origine de toux sèches sans expectoration, d’aphonie. Dans les cas extrêmes ce sera la toux du tuberculeux. La saveur douce « humectante » de la figue et son action anti-inflammatoire donnent alors de très bons résultats. On prend une décoction de 20gr de figue dans laquelle on rajoute du sucre cristallisé pour augmenter l’action humectante. On peut aussi consommer un ou deux fruits frais avec deux dattes chinoises confites, matin et soir.
*Poumons et Gros intestins font partie d’un même « logiciel organe ». Une sécheresse des Poumons entraîne souvent une sécheresse du Gros intestin avec à la clé, des problèmes de constipation par manque de lubrification de la paroi et une sécheresse des liquides organiques. Cela peut aussi être une grande cause d’hémorroïdes. (voir cours de base en MTC)
On prendra alors par cure de neuf jours, trois figues crues par jour.
*Une autre recette pour les hémorroïdes : « Dans deux litres d’eau, on met 8 à 10 figues avec autant de feuilles de figuiers. On porte à ébullition et ensuite on « cuit » à feu doux pendant 30’. On filtre tout en conservant le liquide dont on va se servir pour nettoyer abondamment la zone 2 à 3 fois par jour ». On peut aussi prendre deux figues matin et soir pendant neuf jours.
*En cas de constipation liée à l’âge avancé, les Chinois ont l’habitude de consommer régulièrement une à deux figues le soir avant de se coucher.
*À l’opposé de la constipation, on peut se trouver devant ce que l’on appelle un « vide de rate » qui est alors à l’origine de selles molles, d’inappétence, de diarrhées chroniques. Il faut préparer alors une décoction avec 5 à 7 figues dans un demi-litre d’eau, dans laquelle on peut rajouter du sucre cristallisé. Cette préparation peut alors tonifier la Rate, chef d’orchestre de la digestion du bol alimentaire.
Une autre recette : « prendre 30-50 gr de figues sèches et les faire frire jusqu’à en sentir l’odeur. Vous pouvez y ajouter 9 gr de gingembre en tranche qui ont été presque carbonisés. Ensuite, consommez le tout ».
*Une recette très connue en chine contre les rhumatismes liés à ce que l’on appelle « le vent-humidité » : « prendre 60gr de figues fraîches, un œuf frais, 15 gr d’alcool de riz et 50gr d’eau. Laissez mijoter le tout et consommez une fois par jour ».
*Une autre recette très tonifiante pour l’organisme : « prendre 1Kg de fruits secs et laisser mijoter dans de l’eau jusqu’à ce que cela devienne une pâte. Ajouter 750gr de sucre cristallisé. Remuez jusqu’à ce qu’il soit dissous, puis retirez du feu. Vous pouvez conserver cette « mélasse » dans un bocal ».
À consommer de temps en temps avec une certaine modération, car c’est délicieux.
Que disent les recherches modernes ?
*La figue contient de très nombreux antioxydants, surtout concentrés au niveau de la peau (les figues foncées en contiennent plus). Ce sont les figues fraîches qui en contiennent le plus. Ils ont un rôle préventif sur de très nombreux cancers, surtout du tube digestif, et préviennent les maladies cardio-vasculaires.
*La figue contient aussi une grande quantité de fibres dont 30% sont des fibres solubles qui normalisent le taux de cholestérol, de glucose et d’insuline. Les 70% de fibre « insoluble » vont augmenter le péristaltisme intestinal et nettoyer les villosités intestinales.
*Ce sont les figues sèches qui contiennent le maximum de nutriments, fibres, potassium, fer, sucre, mais aussi une grande quantité de calcium assimilable.
Mode d’utilisation
La figue peut être consommée crue, séchée, dans des plats cuisinés, en pâtisserie, en confitures, etc.
En pharmacopée, quand on la prend en décoction, il faudra en consommer 30 à 60gr par jour. Si elle est crue, 1 à 2 fruits
En usage externe, on pourra en extraire le jus après cuisson pour application locale ou réduit en poudre simple ou carbonisée.
Il convient de choisir des figues saines, bien mûres, non traitées. Il faut alors les consommer rapidement. Un proverbe dit : « Pour qu’une figue soit bonne, elle doit avoir un habit de pauvre (peau grisâtre et fripée), un œil d’ivrogne (mouillée avec une gouttelette perlant à l’ostiole) et un cou de dévote (retombant par rapport au pédoncule)
* Les figues servent aussi à fabriquer un alcool qui peut être très tonique. Carbonisées, elles peuvent être un succédané du café.
Contre-indications
*Il faudra éviter d’en consommer en cas de côlon irritable, de diverticuloses intestinales. Les petites graines risquent alors d’augmenter l’inflammation.
*Il faudra éviter d’en prendre en cas de fort terrain allergique.
Conclusion
Le figuier a une très forte charge symbolique. C’est l’arbre de la connaissance, du savoir et de la fertilité. C’est aussi l’exemple type de la générosité, le symbole de la volonté de survivre.
À l’état sauvage, il s’accroche au moindre creux de rocher, la moindre fissure pour y puiser l’eau nécessaire à sa survie. Depuis la nuit des temps, c’est un arbre qui a nourri, mais aussi soigné hommes et animaux avec une « grande générosité » sans rien demander pour sa culture. Alors, n’hésitons pas à consommer son fruit le plus souvent possible, tout en obéissant à « la loi des neuf jours » (suivre lien), à l’apprécier, tout en remerciant « dame nature » de nous avoir fait un tel don.
Terminons sur une petite note d’humour.
Pagnol disait : « L’auteur dramatique fait des pièces comme un figuier fait des figues, c’est-à-dire sans rien y comprendre…”
J’espère que l’étude de cet alicament ne vous laissera pas « mi-figue mi-raisin ». Cependant, rien ne tombe du ciel. Si on veut avoir quelque chose, il faut faire quelques efforts, d’où le proverbe : « La figue ne tombe jamais en plein dans la bouche ».